
Récit parodique (quasi-véridique)
(Par Hella Ahmed) Et c’est dans cet espace qui contient toute ma tendresse pour moi-même et ma progéniture suprême que je trouve un ancrage pour divaguer en pensant à ma muse dégradée! Quand je ne sais pas quoi écrire, c’est-à-dire chaque dimanche, je vais visiter et viser, même vicier, les riches textes de celle qui donne vie à mon statut préfabriqué.
Elle est ce précieux cadeau sans égal de mon pays. On a sacrifié une femme de génie pour me sortir de ma détresse traumatique durant ma maladie et bien après, cette épreuve qui a failli m’emporter comme je ne cesse de vous le répéter pour gagner votre sympathie. Je sors alors du carcan de l’ennui qui abrite l’inexistant, ce vide qui ne mène nulle part, pour penser aux fruits, aux textes à livrer, à la renommée, aux admirateurs, aux invitations payantes et à mon gagne-pain gonflé. Alors, en missionnaire du profit, je pige et je m’intrique.
Entre le vrai et le faux, mes dépôts
Elle est partagée en morceaux, comme dans un restaurant de privilégiés: Miami, Paris, Montréal, Shebrooke, France profonde. Sa cervelle est le caviar du ciel, certains choyés y ont droit, ils mangent très bien et le peuple aime nous lire et nous vénérer, car après en avoir consommé, nous sommes publiés et commercialisés comme des grands. Nous récoltons grâce à ses efforts soutenus, grâce à ce qu’elle a souffert, vécu, semé durant toutes ces années malgré les attaques des mercenaires de toutes les mers!
Elle a partagé de vraies connaissances et des idées originales, elle a publié les plus belles poésies. Et c’est avec tout mon amour pour l’écriture que je fantasme du grandiose mien en y mêlant les traces de mon héroïne désœuvrée, arnaquée! C’est avec acharnement, au nom des presses qui m’honorent et de mes élocutions devant grand public, que je maintiens ma position: j’ai gagné ce droit réservé aux plus importants de bien manger à ses dépens.
La ligne est mince entre la mafia et les guérisseurs de l’âme. Je me dépose donc à cet endroit où je ressens toute ma liberté à agir et interagir avec ceux d’ici et de là-bas qui doivent m’aimer moi. La maladie a failli faire disparaître cette force en moi qui me pousse à ignorer la riposte. Dans les prisons, les gens crient et sa voix y est, si belle, dans une case que je lui ai inventée. Étouffée bien que libre, omniprésente dans mes textes insufflés par son âme, mes textes chers qui n’existeraient pas si je ne faisais pas semblant de lui répondre. Elle, annulée afin que moi et mes semblables si français avec du bon français puissent être valorisés et acclamés pour des idées empruntées. Je ne lui réponds pas en fait, je l’utilise, je l’avale, je fais dans la moralisation cannibale. Je coupe sa voix, je la tue, c’est mon incompétence psychologique qui m’y oblige, je dois toucher, aspirer et annuler pour exister. J’aime me frotter et annihiler. Je suis l’incapable glue.
Mon désir meurtrier est endossé
Je n’avoue pas, je consacre ma supériorité en divaguant comme si je poétisais la tragédie de l’existence, car lorsque j’étais jeune, j’ai vécu de l’intimidation. Et même si j’ai vraiment gagné à présent le sale titre qu’on m’assignait autrefois, de par mon attitude d’intrusion justifiée par une béante surqualification imaginée, je voudrais encore rappeler combien j’ai souffert et combien j’ai le droit de faire une fixation pathologique sur une personne dont on a détruit la réputation et les droits pour manger dans le plus grand restaurant du monde et narguer sans arrêt. Je m’agrippe de toutes mes forces à ce cerveau que j’admire étrangement, exposé dans la vitrine des blancs comme neige qui l’ont réquisitionné.
Le monde est cruel et même si une partie de moi reconnaît cette laideur qui me sert de levier pour laisser ma marque forcée à partir de la parole coupée de l’une des plus belles créatures de ce monde, je garde en moi la passion de continuer à recevoir les messages de gratitude des récepteurs conquis par le meilleur que je donne après le lui avoir pris à elle, capable et indépendante, forte et ineffaçable, féroce et indomptable. Mes pays m’ont donné licence pour abuser, et fièrement je le fais en tissant une fable de justice caricaturale autour de ce crime qui s’inscrit dans la répétition. Je compte bien continuer à profiter de ce cadeau du ciel car j’ai été très malade et je suis membre des clubs “sororité select” et “rapaces du vide”.
Et vous, quelles actions pensez-vous être légitimes malgré le caractère étrange de leur nature perverse et votre entêtement à les perpétrer inlassablement au nom d’une gloire considérée comme étant méritée quoi qu’il en coûte pour la victime du crime honorable selon votre système de valeurs boiteux?
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