
Quand les traumatismes se font passer pour de l’intuition
Y voir clair n’est pas facile, mais c’est tout à fait réalisable ; j’en ai longuement parlé dans mes livres 𝑫𝒆́𝒄𝒐𝒏𝒏𝒆𝒄𝒕𝒆́𝒔 ? 𝑹𝒆𝒔𝒑𝒊𝒓𝒆𝒛 2021, 𝑷𝒓𝒐𝒇𝒊𝒍𝒔 𝒅’𝒐𝒎𝒃𝒓𝒆𝒔 𝒆𝒕 𝒅𝒆 𝒍 𝒖𝒎𝒊𝒆̀𝒓𝒆𝒔 2022. Se dissocier et adopter une position rationnelle pour voir le monde tel qu’il est nous ramène à la vérité, celle qui nous réconcilie avec la réalité, et avec notre propre réalité. Nous observons alors ces couches : des illusions, des tensions, des incompréhensions, mais aussi la beauté à couper le souffle de ce qui nous entoure. Il s’agit de considérer les humains pour ce qu’ils sont : pas forcément « la référence », pas forcément « amis », et pas forcément des « agresseurs ».
Lorsqu’on est traumatisé, les émotions sont parfois « gelées » (en raison d’une dissociation qui peut être chronique dans certains cas) ou, au contraire, affluentes et intenses de façon surprenante ; elles proviennent de nombreux espaces de mémoire, dans le cerveau et le corps. Réévaluer le tout dans un état de « présence attentive » peut changer pour le mieux la trajectoire des événements de nos vies : la compréhension de ce qui se passe réellement et de ce qui est ressenti prend une tournure différente, moins tragique, voire peut-être même épanouissante au bout du compte. De plus, l’impuissance acquise et l’attachement malsain sont des éléments très importants à prendre en compte dans l’analyse de ce qui est en jeu lorsque nous sommes confrontés à des relations abusives, où la manipulation mentale constitue un problème majeur.
Il faut cependant être dans des conditions raisonnablement bonnes pour pouvoir s’adonner à cette pratique (dissociation, présence attentive, réévaluation du monde et des relations). Je ne pense pas que cela soit possible quand on se retrouve dans un environnement extrêmement hostile et stressant, ou lorsqu’il y a une telle précarité que la moindre petite action à entreprendre pour survivre se transforme en une expérience comparable à celle d’escalader une montagne dans la solitude, tout en portant un poids lourd sur ses épaules.
On ne peut pas éteindre l’anxiété avec un interrupteur ; cela demande un minimum de confort et de moyens pour pouvoir apaiser son âme et son corps. Être constamment dans un état d’angoisse à cause d’une forte adversité ne laisse pas l’occasion de planifier de bonnes stratégies ni de suivre le bon chemin choisi. Un réseau de soutien social et des aides concrètes sont donc des nécessités absolues pour que le progrès et le rétablissement puissent se réaliser.
Nous ne guérissons jamais complètement de nos blessures émotionnelles et de nos traumatismes. Lorsque le processus de rétablissement se passe bien, notre cerveau et notre corps emmagasinent les informations de manière à ce qu’elles deviennent « non pathologiques », c’est-à-dire qu’elles n’influencent plus notre bien-être émotionnel ni nos réactions. Cependant, des événements peuvent survenir et réactiver la blessure. Plus nous apportons du confort, des expériences apaisantes et de bons liens sociaux dans nos vies, plus nous sommes protégés de l’intensité de la souffrance lorsque nous faisons face à l’adversité ou à des défis émotionnels et physiques éprouvants.
C’est un long voyage, celui d’une vie. Nous devons savoir que les émotions ne sont pas honteuses et qu’elles ne peuvent pas toujours servir de boussole, car leur intensité est parfois due à une accumulation de souffrances et de frustrations, ainsi qu’au résultat d’un manque passé de communication ou d’éducation. Je crois vraiment que la compassion et le fait de réévaluer la réalité comme des moments qui passent, que nous pouvons tenir entre nos mains au lieu de les laisser nous terrifier, peuvent nous éviter beaucoup de douleurs et, dans le pire des cas, des idées suicidaires.
- 𝐏𝐫𝐨𝐟𝐢𝐥𝐬 𝐝’𝐨𝐦𝐛𝐫𝐞𝐬 𝐞𝐭 𝐝𝐞 𝐥𝐮𝐦𝐢𝐞̀𝐫𝐞𝐬, 𝐇𝐞𝐥𝐥𝐚 𝐀𝐡𝐦𝐞𝐝, 𝟐𝟎𝟐𝟐.
- 𝐃𝐞́𝐜𝐨𝐧𝐧𝐞𝐜𝐭𝐞́𝐬? 𝐑𝐞𝐬𝐩𝐢𝐫𝐞𝐳, 𝐩𝐚𝐫 𝐇𝐞𝐥𝐥𝐚 𝐀𝐡𝐦𝐞𝐝, 𝟐𝟎𝟐𝟏





