
Celui qui souffre de discrimination ou de stigmatisation s’en trouve naturellement atteint dans sa dignité même s’il se pense ou se veut être assez fort pour ne pas en souffrir. La souffrance est inévitable et inquantifiable, elle ne disqualifie pas pour autant, bien qu’elle puisse affaiblir grandement. Elle peut aussi causer dramatisation et généralisation, on se concentre naturellement plus sur ce qui arrive à sa propre personne en premier quand notre amour de soi est fonctionnel et que la satisfaction de l’autre ne nous semble pas plus importante que notre bien être et notre liberté à prospérer selon ce qui nous convient le mieux. Lorsque l’on souffre, beaucoup, il est plutôt difficile de regarder partout à la fois pour faire face aux douleurs de ce monde rude et injuste, et de faire de la souffrance de l’autre une priorité ou une réalité extrêmement préoccupante.
La passé qui gronde
Le passé ne nous appartient jamais totalement et même quand on décide de le mettre de côté pour avancer, bien des intrus qui scrutent ne manquent pas d’aller le visiter pour nous empêcher de progresser, nous instrumentaliser ou nous éliminer de la course à succès, tout bonnement nous saboter. Beaucoup de gens se trouvent longtemps pris dans des situations qui semblent sans issue, à vivre le pire qui leur est imposé, même des guerres qui ne les concernent pas, pour finir écorchés et entachés. Les abonnés au jeu de la légitimité qui se basent sur des critères de perfection imaginaire afin de décider de l’accorder ou pas adorent les balafrés à utiliser pour faire du favoritisme et consolider les privilèges des élitistes et des suprémacistes.
La souffrance liée à la discrimination de l’un n’est pas supérieure à celle de l’autre pour des raisons historiques et territoriales, c’est encore du classicisme que de donner plus de valeur à l’appréciation du malheur passé, peut-être encore ressentie fortement, en se basant sur des critères qui font un peu dans l’égocentrisme se voulant légitime. Le territoire est aux habitants qui y contribuent et qui ont un sentiment d’appartenance, ce même sentiment qui est source de souffrance face à la discrimination quand on aime sa terre et son peuple.
Il n’y a pas de souffrance qui vaille plus qu’une autre, c’est élitiste de penser qu’une minorité qui subit de la discrimination ne reconnaît pas la souffrance du groupe dominant qui a antérieurement été discriminé à en devenir susceptible pour s’indigner quand on ne fait pas de sa souffrance historique ou son histoire traumatique une constante priorité. La souffrance n’est pas une compétition, c’est avec l’écoute et l’accueil que le calme revient pour tous ceux qui en vivent.
Laïcité et étrangeté
Il y a des personnes athées et des agnostiques qui sont contre la laïcité et il y a des gens qui vont en mission à répétition frapper à vos portes pour vous parler de Jésus afin de vous sauver. Vous voyez aussi des bouddhistes chantonner sur les trottoirs, habillés de drapés oranges, pour faire leur argent quotidien, et il y a tous les tranquilles, qui pratiquent une forme de méditation ou une autre en reclus et paisiblement, sans le crier sur tous les toits. Il y a des gens pacifiques qui se recueillent dans des lieux de prière pour toujours veiller à garder éveillée la bonté en eux et il y a des familles qui célèbrent ensemble, dans la joie et l’amour, des valeurs qui leur sont chères, car elles les aident à se réunir et se protéger contre la voracité de notre modernité.
Beaucoup de guerriers de la laïcité veulent dévoiler les femmes dans le but de les libérer du patriarcat en les guidant avec autorité comme si elles étaient incapables de raisonner par elles-mêmes, faisant un peu la même chose que ceux qui veulent les voiler, et par la même occasion abolir tout signe religieux qui risquerait d’influencer ou de choquer. On s’aperçoit que dans les médias, ce sont souvent ces mêmes guerriers de la laïcité qui avec ferveur défendent les intérêts des représentants de certaines communautés religieuses se donnant le droit de s’imposer et de s’exposer sans réserve, en passant pour ce par le chemin de l’activisme anti discrimination. Ils ont comme marque de commerce de sans cesse s’indigner fort pour se dire défendre l’impartialité tout en faisant passer des opinions qui sont loin d’être neutres ou non engagées, par préférences personnelles évidemment. La laïcité serait-elle une histoire à double visage qui ne connaît pas vraiment la parcimonie?
La lutte pour la laïcité qui fait du favoritisme religieux semble contradictoire et on voit l’amalgame étrange entre être musulman et extrémiste. Que l’on porte un foulard ou une perruque par choix religieux, n’est-ce pas semblable quant au principe de fond? La foi tranquille existe en mosquée et en synagogue, bien que certains fassent exprès de diaboliser le musulman en mettant de l’avant les horreurs de l’extrémisme. Ils en oublient quasiment que toutes les religions connaissent cet extrémisme quasi préhistorique. L’extrémisme et la terreur n’ont leur place nulle part, cette case qui accueille les adeptes de la violence et de l’agonie ainsi que leurs suiveurs hypnotisés, en quête de sens et de reconnaissance, ne se forme que par le massacre des droits de l’Homme.
Le vide spirituel
La saga actuelle du fameux ‘règne du vide’ popularisée par des délinquants qui abusent sur tous les plans a fait de cette formule abracadabrante une forme d’insulte pour dégrader la valeur d’un concurrent en affaires, exprimer sa frustration d’intellectuel ou de pseudo-intellectuel qui gagne peu face aux aisés qui ne seraient pas à ses yeux à être considérés comme ayant mérité leur succès monétaire étant moins formés aux niveau des études universitaires, bien que peut-être beaucoup plus honnêtes et sains d’esprit, ou exprimer sa colère en tant que consommateur avec une faible capacité d’achat, piégé par le capitalisme, car les prix augmentent en même temps que les désirs sont en plein pic, alors que les revenus stagnent ou sont carrément coupés avec les licenciements de masse qui se sont multipliés.
À analyser les critères que certains mettent de l’avant pour juger de ce « manque de qualités » associé à la « culture du vide » que chacun dépeint selon ses frustrations personnelles, ils semblent eux-mêmes y adhérer vu leurs styles de vies, la violence de leurs procédés et la pauvreté de leurs arguments triturés pour dévaloriser l’un et l’autre, et se hisser au-dessus. Aussi, intervenir de façon soi-disant éloquente à ce sujet relève du discours lunatique, car il est absurde de penser qu’il soit possible de formater les gens à devenir les disciples sans volonté propre d’un moralisateur quelconque qui cherche à faire du profit, comme tous les entrepreneurs, dans un monde capitaliste où chacun a le droit légitime de choisir son style de vie (qui ne soit pas celui de la criminalité bien entendu). L’élitisme est aussi un chemin de consommation, il ne faudrait pas l’occulter.
Oser proclamer que les gens ont des vies vides est d’une bassesse intellectuelle, d’une petite d’esprit et d’un venimeux qui ne reflètent qu’une envie destructrice, un sentiment d’échec renversé dans son contraire. C’est vomir son vide spirituel. Aucune vie n’est vide, même celui qui est cloué au lit, malade ou désespéré, n’a pas de vie vide, nous sommes toujours là quelque part dans la pensée, nous vivons à travers nos désirs et nos ambitions qui nous donnent de l’élan. Celui qui peut se permettre de rencontrer, s’amuser et connecter en se déconnectant du malheur et des obligations, car il en a le courage et les moyens, n’a pas de vie vide, et c’est bien pour cela qu’il suscite les envies et les jalousies de ceux qui ne peuvent mener son train de vie.
Au-delà des comparaisons
Avoir les moyens de s’offrir des plaisirs et des aventures ne peut, selon moi, qu’être bénéfique pour notre vie spirituelle, la nourrir de l’influence du vivant et de son histoire, de la beauté de la nature, ainsi nous apporter joie et paix qui aideront à nous rapprocher de l’autre. On mène notre combat personnel en premier avant de se mobiliser pour se joindre à ceux des autres, car par nature, nous tendons à sauver notre peau quand notre volonté n’a pas été cassée et que nous ne sommes pas tombés dans l’impuissance apprise. Cette qualité nous montre aussi combien nous sommes empathiques, car malgré de terribles épreuves personnelles, beaucoup de gens sont capables d’une grande écoute et de solidarité. Par nature, nous cherchons à répéter les expériences satisfaisantes et personne n’a le droit de limiter nos ambitions par attitude suprémaciste qui nous voudrait plutôt esclaves au service du bonheur des beaux parleurs.
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