Traiter le stigma et l’anxiété en psychose : une piste vers le rétablissement optimal

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La psychose est un état qui trouble la pensée et dont la complexité laisse perplexe. Quels en sont les symptômes? Quand est-ce que cet état est relié à un trouble plutôt qu’à un épisode isolé? Quel lien peut-on observer entre la psychose et l’anxiété?

Dre Montreuil, psychologue et chercheure à l’institut de santé mentale Douglas, a répondu à mes questions en mettant l’accent sur le rétablissement en termes de fonctionnement qui se trouve au centre de sa recherche et de ses interventions.

Qu’est-ce qu’une psychose?

Une psychose n’est pas à confondre avec d’autres troubles comme la psychose non spécifiée ou la schizophrénie. «C’est un état où il y a expérience de symptômes dits psychotiques comme des hallucinations, du délire ou de la paranoïa».

La schizophrénie présente un ensemble de symptômes psychotiques qui demeurent présents sur une longue durée alors qu’un état psychotique peut être aussi bien très bref que plus long, donc persister quelques heures, quelques jours, quelques mois ou même quelques années.

L’occurrence d’un épisode psychotique ne suppose pas forcément une rechute ou l’occurrence d’un autre épisode psychotique. Cependant, y a-t-il des symptômes résiduels après l’expérience d’une psychose?

«Le portrait clinique varie d’un individu à l’autre, il peut ne jamais y avoir de rechute, comme il peut y avoir comorbidité de symptômes reliés à un trouble principal ou à la psychose qui nécessiteront une intervention plus spécifique, comme pour le traitement de l’anxiété sociale par exemple. Somme toute, il y a une variété de possibilités».

Puisqu’on observe un lien entre l’anxiété ou le trouble anxieux et les symptômes psychotiques, est-ce que l’anxiété contribue à enclencher cet état?

Il y a dans la littérature à ce sujet la question fort intéressante de «ce qui vient en premier». On constate, selon Dre Montreuil, une grande majorité de gens qui vivent la comorbidité psychose et anxiété. La prévalence du trouble anxieux est de 14% dans la population, mais chez ceux qui ont vécu un épisode psychotique ou de schizophrénie, le pourcentage est plutôt élevé, il va de 25 à 36%.

D’après les observations faites par la chercheure et son équipe, six mois après le rétablissement d’un groupe qui présentait des symptômes psychotiques, comparativement à un autre groupe qui ne s’en était pas rétabli, ceux qui n’étaient pas remis semblaient présenter encore une anxiété importante. Cela a mené à l’implantation d’une intervention psychosociale ayant pour but de retarder, ou d’apaiser l’impact des symptômes psychotiques sur le fonctionnement de l’individu en traitant l’anxiété. «La pharmacologie fonctionne très bien au plan clinique, mais en termes d’impact sur le fonctionnement, elle demeure limitée. Il s’agit donc d’intervenir au niveau de l’anxiété sociale pour la réduire et à travers cela on découvre des améliorations chez la majorité des participants qui manifestaient de l’anxiété en même temps que les symptômes psychotiques», explique-t-elle.

L’anxiété sociale est multimodale, elle implique dans le cas des troubles anxieux, l’évitement de certains lieux; elle a un impact au niveau de la composante émotionnelle aussi bien que de la composante physiologique puisqu’elle concerne les pensées de l’individu, la perception d’être différent ou celle d’être incompétent, ainsi que des réactions physiques en lien avec ces manifestations.

La psychoéducation, soit un soutien éducatif à propos des symptômes de l’anxiété offert aux personnes touchées, pour justement démystifier ces symptômes-là, fait partie intégrale de l’intervention implantée. «On explique ce qu’est l’anxiété sociale et on s’attelle à l’exposition graduelle et systématique selon une hiérarchie, ainsi une désensibilisation progressive. On veut provoquer une habituation et par conséquent travailler à un amoindrissement de la souffrance chez les personnes concernées».

Qu’est-ce qui contribue à un rétablissement optimal en termes de fonctionnement?

Dre Montreuil expose un élément qui se révèle important au niveau de l’intervention, celui de considérer le lien entre le rétablissement en termes de fonctionnement et la réduction du stigma ou plus communément de la honte de l’expérience de la psychose. Incorporer la dimension « honte de la psychose » pour venir réduire cette dimension chez les personnes ayant vécu une expérience psychotique les aide à se sentir moins stigmatisées par rapport à ce qui s’est produit. Cela augmenterait leurs chances de rétablissement.

La honte de la psychose implique le regret d’avoir commis certains actes ou d’avoir dit certaines choses. Certaines actions reliées à la paranoïa ont pu être plus graves dans certains cas que dans d’autres. «Il y a la honte d’avoir agi de telle façon ou d’avoir tenu tels propos qui semblent totalement déplacés une fois les symptômes psychotiques dissipés». Il s’agit donc de  normaliser l’expérience où il y a eu une désorganisation de la pensée dans un moment de psychose où ce qui apparaissait comme très crédible ne présentait pas réellement de liens logiques. «Il s’agit d’aider à accepter la situation qui s’est produite et à faire un deuil de ce qui s’est passé durant cette période-là».

La réduction de la honte de la psychose ressort comme un élément important au niveau de la perception de soi. L’intégration sociale souhaitée par les interventions visant le rétablissement suppose une interaction sociale favorisant un maintien des relations sociales. Dans ce sens, la perception des autres peut affecter le rétablissement quand il y a jugement ou stigmatisation. Aussi, l’anxiété sociale est intimement liée à la peur du jugement des autres.

Pour combattre la stigmatisation et favoriser un rétablissement optimal, le traitement de l’anxiété sociale fait partie des solutions, ainsi que l’interrogation sur ce que l’expérience de la psychose a pu quand même apporter de positif. «Il y aura toujours des jugements, on ne peut contrôler ce que les autres pensent, mais on peut contrôler notre façon de voir les choses. Le rétablissement optimal  passerait donc en grande partie par la réduction de l’anxiété et du stigma», insiste-t-elle.

Qu’en est-il de la schizophrénie, est-ce un trouble bien répandu?

La prévalence de la schizophrénie se situe à environ un pour cent de la population générale, alors que pour un état dépressif ou anxieux la prévalence est bien plus élevée. «L’impact des symptômes psychotiques dans le cas de la schizophrénie est beaucoup plus conséquent que l’anxiété », explique Dre Montreuil. Cela nous dit pourquoi ce trouble qu’on ne connaît pas encore très bien fait autant parler et semble aussi mythique. «Le portrait clinique d’une personne qui souffre d’un premier épisode de psychose ou de schizophrénie peut varier énormément en raison des noyaux de symptômes qui sont différents et qui se manifestent».

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