(Par Hella Ahmed) Avec Mme Natalia Koszegi, coordonnatrice du centre d’études sur le TOC et les Tics situé à l’institut en santé mentale de Montréal, nous avons réuni des éléments essentiels à la compréhension des mécanismes du trouble obsessif compulsif. Nous avons également mis en relief certaines solutions possibles pour sortir du piège des obsessions et des compulsions qui caractérisent ce trouble.
Le trouble obsessif compulsif
Le TOC, soit le trouble obsessif compulsif, faisait partie de la catégorie des troubles anxieux, à présent on parle d’un trouble de la pensée qui fait partie de la catégorie des troubles obsessionnels compulsifs et autres troubles associés. Le TOC n’est pas un trouble anxieux, mais il génère beaucoup d’anxiété chez la personne qui en souffre.
Le TOC est un continuum, il y a donc des degrés de sévérité selon la lourdeur des symptômes et la fréquence des compulsions. Les personnes avec des symptômes légers pourront demeurer fonctionnelles et vaquer à leurs occupations de la vie quotidienne grâce à une certaine organisation viable, les compulsions étant par exemple circonscrites à une dimension en particulier et les rituels mis en place non trop envahissants pour la personne. Dans d’autres cas, la condition sera plus sévère, et pour certains, elle sera même extrême jusqu’à les isoler et réduire leur liberté.
Selon les statistiques, l’âge moyen du début du TOC est 19 ans. Dans l’évolution typique du TOC, il y a des symptômes qui peuvent apparaître vers l’âge de 10 ans. Bien qu’il puisse donc y avoir la manifestation de symptômes dès l’enfance, c’est vers l’adolescence que le TOC prend plus de place en général.
Le trouble obsessif compulsif se développe rarement après l’âge de 40 ans, c’est plutôt vers la fin de l’adolescence, début trentaine ou fin trentaine, qu’on le constatera.
Aussi, les premiers symptômes peuvent se manifester à des phases plus charnières de la vie, soit des transitions, ou des changements importants (l’entrée à l’école, changer de ville pour les études, changer de travail, etc.). Cela peut même concorder avec la venue d’un événement heureux, car ce sont des moments qui apportent un lot de responsabilités, quelques craintes ou incertitudes par conséquent, ce qui augmente le stress.
Comorbidité et imagerie fonctionnelle
Selon les statistiques, 75% des personnes avec un TOC présentent un deuxième trouble. On retrouve plus fréquemment en comorbidité avec le trouble obsessif compulsif des troubles anxieux, comme le trouble panique, l’anxiété sociale et le trouble d’anxiété généralisée.
Dans 40% des cas un trouble de l’humeur sera associé au TOC, soit la dépression (secondaire au TOC). Une personne souffrant depuis quelque temps d’un trouble obsessif compulsif qui n’a pas été traité peut facilement développer une dépression.
En lien avec la présence d’un TOC, on constate une sur-activation au niveau d’une zone du cortex orbital, celle-ci est connectée à deux autres zones situées dans les zones plus profondes du cerveau pour former une boucle. Avec la thérapie on pourra constater une baisse de l’activité de cette zone et donc une ré-équilibration.
Au départ, il y a l’obsession
Ce trouble implique la présence d’obsessions au départ, soit des pensées répétitives et dérangeantes qui causent de la détresse. Il implique également de procéder à des actions à la suite des obsessions, dont la fonction sera de contrer le risque de conséquences appréhendées en lien avec les obsessions et de baisser l’anxiété.
Certains thèmes d’obsession sont plus fréquents chez les personnes avec TOC, par exemple celui de la contamination par virus, bactérie ou produits chimiques, cela peut mener à des comportements de nettoyage et de lavage.
Il y a également le thème d’oubli et d’erreur qui peut faire basculer vers des comportements de vérification (porte fermée ou non, cuisinière éteinte ou non). On note aussi le thème d’ordre et de symétrie et des thèmes de violence malheureusement.
Le TOC bien qu’il puisse paraître irrationnel de l’extérieur est logique pour la personne qui en souffre et a beaucoup d’arguments pour justifier ses comportements compulsifs, et ces justifications sont basées sur des informations qui paraissent crédibles.
La personne avec un trouble obsessif compulsif est souvent très attachée au fait de faire le tour de toutes les possibilités pourtant infinies en lien avec une situation spécifique alors qu’une personne sans TOC ira plutôt dans le sens des probabilités.
»Les personnes avec TOC se méfient d’une partie d’elles-mêmes », elles peuvent s’inquiéter de ne pas être suffisamment consciencieuses ou attentives. Elles s’inquiètent souvent d’attributs négatifs qu’elles pensent avoir et qui sont pourtant à l’opposé de ce qu’elles sont.
Aussi, pour compenser pour le manquement que ces attributs pourraient leur causer, elles peuvent procéder à de nombreuses actions pour prévenir les scénarios imaginés. Par exemple, une maman qui prend très bien soin de son enfant au niveau de l’hygiène pourra s’inquiéter de ne pas lui apporter tous les soins nécessaires et redoublera d’efforts non nécessaires pour éviter tout manquement au bien-être de son enfant à ce niveau-là.
L’entourage et son rôle
L’attitude de l’entourage peut autant influencer le maintien de la pathologie que son allègement. Il est souvent conseillé à la personne aidée d’amener un ou des membres de son entourage en consultation afin que ses proches puissent être sensibilisés aux réalités du trouble par un professionnel qualifié, cela aide au bon déroulement du traitement pour un changement vers le positif.
Les critiques : elles n’aident pas, car la personne souffrante peut devenir plus craintive jusqu’à ne plus parler de ses obsessions et de ses rituels. Elle pourra continuer à faire ses compulsions secrètement ou même s’isoler pour maintenir les rituels sans faire face aux critiques.
Rassurer : les proches peuvent se mettre à rassurer constamment la personne au sujet des obsessions qui l’accaparent. Cela la soulage temporairement, mais pas à long terme.
Faire les compulsions de l’autre : certains peuvent faire les compulsions à la place de la personne afin de la soulager (ex: vérification de la serrure à répétition), ce qui aggrave le problème.
Traitement du TOC et psychoéducation
Les thérapies cognitivo comportementales sont les plus utilisées pour le traitement du trouble obsessif compulsif étant donné leur efficacité prouvée. La technique la plus utilisée et celle de l’exposition avec prévention de la réponse où l’on demande à la personne de s’exposer graduellement à la situation qui la rend anxieuse tout en lui prescrivant de ne pas faire sa compulsion.
Cette thérapie peut être accompagnée d’un traitement pharmacologique afin d’aider à baisser l’anxiété des personnes qui sont très anxieuses et faciliter la thérapie. Il n’y a cependant pas de médication spécifiquement pour le TOC. Ce sont des antidépresseurs qui sont prescrits.
Au centre d’étude sur le TOC et les tics de Montréal, un modèle particulier a été développé pour remédier au fait qu’un nombre estimé à 40% des clients refuse de pratiquer la méthode de l’exposition avec la prévention de la réponse ou qui n’ira pas jusqu’au bout du traitement se retrouvant ainsi sans traitement, comme l’explique Dre Koszegi.
Ce modèle permet d’amener la personne à mieux comprendre le processus qui la mène à être piégée par le besoin de faire ses compulsions. On vise à l’aider à renverser sa propre façon de voir les choses et de raisonner dans les situations TOC pour finalement réaliser que si ses obsessions ne sont pas fondées, les compulsions ne sont pas nécessaires non plus. Les compulsions s’élimineront par elles-mêmes une fois ce raisonnement réalisé.
Tout connaître des mécanismes du trouble obsessif compulsif grâce à une psychoéducation adaptée aidera la personne à reprendre le contrôle de la situation en constatant les évidences et en faisant confiance à ce qui est là, à ce qui est perceptible et non à ce qui se profile comme possible dans une vaste gamme d’éventualités. Le client devient l’expert de son trouble.
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