Devoir mentir, se cacher de soi-même pour faire comme si on était comme les autres? Ou vivre sa différence comme une « normalité », car qu’est-ce que la fameuse « normalité »?
La normalité, est-ce celle qui dérobe le réel au présent quand on se l’impose pour rentrer dans un moule que le groupe fantasme en cœur, mais au fond tout un chacun à sa façon?
Est-ce normal de se faire mal pour à tout prix devenir normal?
Des croyances limitantes déroutantes
Croire qu’il existe un moule noble, propre et unique, c’est encore croire aux contes de fées. Et quand on n’y croit plus trop à toutes ces histoires et ces fantasmes à l’air du temps, on se sent obligé de faire semblant pour quand-même ressembler à cette image difforme et informe qui ne nous ressemble pas vraiment, et qui ne fait nullement honneur à notre individualité dissimulée.
Le réel se dérobe au présent lorsque l’on se consume à faire semblant et que c’est le théâtre absurde de la vie qui prend place pour écraser élans spontanés et douce fantaisie. Alors on vit dissocié de soi-même et étranger à l’autre.
On joue à être soi et à ne pas être l’autre qui veut être lui-même sans que l’on comprenne son besoin à lui. Mais qui est cet autre qui fait peur et pourquoi est-il si dérangeant? La vulnérabilité et la singularité de l’autre nous empêchent-elles de vivre à ce point? L’autre est-il si puissant? Est-il parfait alors que nul ne l’est? A-t-il les moyens de paraître « si bien » alors que d’autres affichent leur misère, car ils n’ont plus le choix ou qu’ils ne l’ont jamais eu?
Quand on se rabaisse ou qu’on laisse les autres nous dévaloriser et nous juger sur la base de ce qu’ils peuvent eux-mêmes cacher, en plus de l’écart économique qui tristement consolide tous les statuts de supériorité en société, on passe à côté de soi et on regarde au travers d’un bare-brise sale qui protège contre l’angoisse de n’être que soi alors que l’on avance dans le brouillard même quand il fait clair.
La confusion dans le jugement
Combien de personnes ai-je vu en étiqueter d’autres pour des traits qu’elles avaient elles-mêmes et cachaient car « c’est pas correct », « c’est pas normal ». Et pourtant le double standard était plus qu’évident, leur vulnérabilité se voyait, l’abus de pouvoir était flagrant, les tics impossibles à manquer. Est-ce normal de faire semblant d’être normal? Et encore une fois, qu’est ce que la « normalité »?
Beaucoup de gens cachent leur mal être tout en jugeant d’autres pour des conditions plutôt semblables dont ils osent parler ouvertement. Mais qu’en est-il des enfants? Que leur arrivera-t-il si nous continuons à faire semblant que c’est « anormal » d’être différent? Qu’il y a forcément une bonne formule que tout le monde devine mais que personne ne connaît vraiment?
« Tu me fais honte », j’entendais bien trop souvent, étant jeune et bien moins jeune, quand je me laissais aller à exister la tête haute, car l’angoisse avait disparu ou que le rire était venu la vider comme on crève un abcès. Alors j’avais honte, honte d’avoir été rejetée dans ma simplicité, blâmée pour ma liberté. J’avais honte d’exister avec ce besoin si viscéral d’être aimée simplement pour qui j’étais.
Ce que les rides racontent
Le temps passe et des rides se creusent sur nos visages, et quand on se regarde en face, ces lignes du temps devraient nous raconter l’histoire de notre liberté d’exister, pas le blanc du vide que les années passées à faire « comme si » ont laissé dans nos mémoires trouées.
Au lieu d’avancer ensemble à faire semblant que nous ne sommes pas semblables, car singuliers, avançons plutôt en étant conscients que c’est parce que nous sommes différents que nous sommes capables de nous épauler, aptes à travailler en société dans le sens de la complémentarité.
Grandir avec la certitude que beaucoup de choses en soi sont à cacher ou à changer pour atteindre une « normalité » fantasmagorique est une illusion qui fait très mal quand on finit par comprendre que la vie est une chorégraphie que l’on doit soi-même créer en écoutant la musique qui nous plait, non pas des remontrances et des voix épeurantes qui nous empêchent de faire vibrer chacune de nos cordes pour fièrement exister. Nous pouvons exister chacun à sa façon, car c’est tout à fait normal d’être différent.
Le pouvoir de l’argent ne doit pas nous faire oublier qu’il peut être facile d’en perdre et d’en gagner, mais que la dignité est non négociable et que c’est en étant fier de notre individualité que nous pouvons la protéger.
Copyright © Hella Ahmed
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