Des problèmes de santé mentale, ma vie en a toujours été marquée, comme mes plus vieux souvenirs en témoignent. Dès la fin de l’adolescence, j’ai vécu une première dépression.
À la fin de mon secondaire, je devais m’inscrire au cégep pour faire par la suite une formation universitaire dans le domaine de la santé, mais lors de mon choix de cours, comme j’étais en dépression, j’ai pris un livre avec diverses possibilités d’orientation et j’ai tourné les pages au hasard pour finir par pointer du doigt un programme professionnel en infographie.
J’ai commencé ma formation sur un « high » qui a été suivi d’un gros « down ». Mon professeur en arts avait remarqué mes fluctuations d’humeur très marquées, il m’avait donc conseillé de consulter un professionnel de la santé pour évaluer mes symptômes dépressifs du moment.
J’ai alors rencontré un médecin pour discuter de mes symptômes. Elle m’avait malheureusement simplement répondu qu’elle n’était pas psychologue et qu’elle ne s’occupait pas des cas comme le mien. Elle m’avait conseillé de consulter ailleurs si je n’avais pas de problème de santé à lui exposer.
Comme j’étais jeune et qu’internet n’était pas vraiment accessible à l’époque, je ne savais pas où m’informer. Me faire dire de voir un psy m’a effrayée, j’ai donc péniblement terminé ma formation sans chercher de l’aide, de peine et de misère. J’ai par la suite connu quelques années sans emploi avec des hauts et des bas très prononcés.
Je me suis finalement trouvé un emploi n’ayant aucun lien avec ma formation. J’ai continué à travailler durant plusieurs années dans le domaine de l’administration où j’ai souvent entendu des commentaires désobligeants à mon sujet : ‘’elle est bizarre’’, ‘’c’est quoi son problème?’’, ‘’elle est donc bien difficile à suivre’’.
Je me suis renfermée et enfermée dans une tour de glace et de mutisme pour ne plus avoir à subir de telles remarques sur mes comportements qui semblaient déranger.
J’ai eu plusieurs changements d’emploi dans ma vie. Je suis très travaillante, mais un peu difficile à suivre semble-t-il.
À une certaine période, j’ai commencé à avoir des suivis plus réguliers avec mon médecin de famille, mais quand je le consultais, je parlais seulement de mes « downs », je ne faisais pas la différence entre les pôles de mes humeurs. Il m’avait prescrit des antidépresseurs, et lorsque je faisais un virage maniaque, je ne retournais pas le voir pour un suivi dépressif. Je ne connaissais pas les troubles de l’humeur, et pour moi les changements était normaux puisque j’avais toujours été comme ça.
Lorsque j’ai trouvé un emploi où nous avions accès à un programme d’aide aux employés (PAE), j’ai consulté une psychologue durant environ une année, elle m’avait recommandé de voir un psychiatre. Le psychiatre m’a rapidement diagnostiqué une bipolarité et m’a donné des explications concernant mes gros changements d’humeur. Je pouvais plus facilement me comprendre par la suite.
Une prise de médication plus adaptée à mon état a aidé à contrôler les écarts que j’avais connus jusque là. Aujourd’hui encore, je rencontre régulièrement psychologue et psychiatre pour veiller à me sentir mieux. Je suis plus stable tant au niveau de mes humeurs que de ma vie personnelle et professionnelle.
J’ai appris à vivre avec mon état de santé mentale et je trouvais normal d’en parler, de dévoiler aux autres ma problématique. Lorsque je parle de santé mentale, je réalise qu’il y a toujours pas mal de préjugés, alors je ne le fais pas trop, car ça semble encore beaucoup déranger les gens qui malheureusement jugent assez rapidement. Certains voient encore le fait de consulter un psychiatre comme un signe de folie, pensant qu’il n’y a que les « fous » qui ont recours à ce genre de soins.
Lorsqu’elles perçoivent un petit changement dans mes émotions qui les dérange, certaines personnes se permettent tristement de me dire « vas prendre tes pilules … », « trop flyée, reviens sur terre, c’est quoi ton problème? », ou commentent mes états de façon blessante « elle prend de bonnes pilules … », « bon encore dans un faux down … ». J’en entends de toutes les sortes.
Je n’ose plus dire à de nouvelles fréquentations que je suis bipolaire de peur de me faire encore et toujours juger puis classer dans une catégorie de « malade mentale, folle ». Les gens disent qu’ils sont ouverts à la différence, mais je constate que l’ouverture n’est pas toujours là, faute de connaissance.
Je tente maintenant d’expliquer du mieux possible mon diagnostique de bipolarité pour déstigmatiser et dédramatiser la situation.
* Ce témoignage est authentique, par Jacinthe S. la fière maman d’un petit garçon de presque 3 ans. Elle se porte beaucoup mieux depuis que son état est stabilisé et travaille à déstigmatiser en partageant son histoire.
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