Selon l’auteure Hella Ahmed, notre idée du vide nous parle du lien à soi et de notre rapport à l’autre

Qui suis-je à l’écart, sans les regards, sans les objets? Suis-je vivant à moitié? Conservé? Sauvé ou oublié?

Ahmed, Hella « Notre besoin de reconnaissance est profondément humain », 2023.

Avec les dérives qui se croisent, ces malaises qui se côtoient dans l’obligation absurde, imposée comme une malédiction dans des contextes privés de solutions, sans se connaître ou se reconnaître, les affreux jugements et les violentes interprétations laissent place à la désolation, aux déceptions, aux séparations, et parfois à la rupture gravée dans le béton pour partir retrouver la raison.

La solitude n’est pas douloureuse lorsqu’elle devient le choix de la simplicité, même si la mémoire nous surprend, nous frappe d’une vague de nostalgie qui rappelle les joies d’antan et les tristesses tapies dans le noir des archives tordues pour placer la douleur du deuil à nouveau au centre de soi. Elle permet de se retrouver avec soi-même, de se réinventer digne devant soi, aimable devant le miroir. Et malgré le vide de l’autre qui n’est plus là, car on l’a perdu même s’il n’est pas pour toujours parti, la présence à soi est une reconnaissance qui ravive ou éveille la joie d’être soi à chaque pas.

C’est en faisant sincèrement de la méditation pour trouver une certaine paix, me guérir de mes peines et frustrations, et protéger mon ambition, que j’ai compris que nous étions toujours vivants dans la pensée et que faire complètement le vide ou tenter de le remplir dans la matérialité pour se sentir entier étaient aussi bien impossibles que des stratégies vaines, car nous sommes ce vide qui nous reflète; nous sommes toujours là, quelque part dans la pensée, nous constituons cet espace qui relève de nous.

Faire complètement le vide, c’est impossible, vous êtes toujours là quelque part dans la pensée, vous habitez ce vide qui vous reflète. Avoir tout, pour combler le vide, c’est impossible.

Ahmed, Hella « Déconnectés? Respirez », 2021.

C’est un peu l’enjeu des temps modernes, le numérique nous rend anxieux de résoudre l’anxiété d’être ou de ne pas être, tout le temps, aux yeux des autres et à nos propres yeux, dans une solitude habitée de présences invasives, comme de présences symboliques qui meublent notre temps et guident nos émotions ainsi que nos aspirations secrètes. Avant le virtuel, les gens n’avaient pas moins peur des jugements, maintenant ils ont surtout peur des espions, des chercheurs d’or en toc au creux de votre misère à fouiller, à déterrer, pour vous menacer avec une arme fatale, celle du signalement moral qui n’est souvent que de l’infâme bien habillé pour la circonstance.

J’ai commencé à réfléchir et à écrire au sujet de la question du vide et de la plénitude en partageant mes trouvailles en 2015. J’ai publié alors une réflexion sur le partage dans les médias sociaux, le regard de l’autre et le sentiment de cohérence interne grâce à un texte avec lequel il s’agissait d’être « en accord avec soi dans ses choix ». L’hypothèse du chapitre était le résultat de ma contemplation du monde et de mes rapports personnels, de ce que j’éprouvais et de ce que j’ai découvert en y pensant. J’observais tant d’excès de démonstration de pouvoir de consommation d’un côté et autant de discours moralisateurs quant à la modération et la modestie pieuse pour sembler bon, de l’autre.

Je pense que le vulgaire qui recadre de haut, avec violence sournoise ou carrément franche, ce qui ne demande pas à l’être ne remplit qu’un vide imaginé qui reflète le manque de discernment de celui qui s’occupe à déchiqueter et à dévorer l’autre, le mater pour le soumettre ou le réduire à néant, et ce, parfois même sous des faux airs de bonté, tel un être troublé par l’étrangeté de son propre monde intérieur divisé. Il est plus judicieux de puiser en soi et non en l’autre pour exister, car cet autre existe d’abord singulier et puis pour nous accompagner s’il y consent honnêtement face à lui-même et à nous, face à « l’autre ».

Si un lien sincère se peut, ce n’est que la compassion et l’admiration réciproque qui peuvent le rendre solide et le conserver, quand il s’est révélé.

Ahmed, Hella « Notre besoin de reconnaissance est profondément humain », 2023.

Tout un chapitre de mon premier livre Déconnectés? Respirez fut consacré à cette démarche de réflexion. Un livre paru au mois de Juin 2021, qui reprend mes articles en lien avec la santé mentale et le développement personnel publiés dans différents médias depuis 2013. Des textes augmentés et enrichis par un approfondissement de l’investigation intellectuelle consacrée aux thèmes abordés. Notre besoin de reconnaissance est profondément humain est pour bientôt, vous y trouverez de moi et de l’autre, cet humain que je connais et que je ne connais pas, car je ne cesse de le rencontrer autrement à chaque révélation, à chaque trajet d’encre d’une poétesse qui devine l’amour comme on efface le chagrin qui toujours revient, puis s’oublie dans un fou rire qui redonne un souffle à la vie.

Nous sommes ce vide rempli de nous, de tout ce qui nous fait, immatériel et raconté, en silence vivant et en raison sonore, de nos désirs de nos regrets, notre chair en métaphore portée par la pensée. Nous constituons cet espace qui relève de nous.

Ahmed, Hella « Notre besoin de reconnaissance est profondément humain », 2023.

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