La communication chez les personnes avec un trouble du spectre autistique (TSA) est différente de celle que l’on retrouve chez les personnes neurotypiques sous quelques aspects. De plus, certaines d’entre elles peuvent aussi présenter un trouble du langage associé à leur autisme. Il existe différentes stratégies efficaces pour faciliter la communication d’une part et d’autres afin de veiller au bien-être des personnes en interaction. Avec Dre Julie McIntyre, orthophoniste clinicienne depuis plus de 20 ans, spécialisée en autisme, nous avons répondu à quelques interrogations en ce qui concerne les particularités du langage que l’on retrouve chez les personnes présentant un trouble du spectre autistique.
Qu’est-ce que TSA?
C’est une nouvelle appellation pour le trouble du spectre autistique. Elle est utilisée depuis le mois de mai 2013, et ce depuis la parution du DSM 5. Auparavant, nous parlions de troubles envahissants du développement, lesquels sont maintenant inclus dans les troubles du spectre autistique.
Relativement aux troubles envahissants du développement (TED), nous avions différentes sous-catégories : le syndrome autistique, le TED non spécifié, le syndrome désintégratif de l’enfance, le syndrome d’Asperger et le syndrome de Rett.
Avec le nouveau DSM, nous avons un continuum soit le trouble du spectre autistique, dans lequel nous retrouvons quatre des cinq sous-catégories qui existaient auparavant au niveau des troubles envahissants du développement. Elles regroupent les personnes autistes, les personnes avec le syndrome d’asperger, les personnes avec TED non spécifié, ainsi que les personnes avec syndrome désintégratif de l’enfance. Par ailleurs, l’on nommera uniquement le trouble du spectre autistique comme tel.
Les caractéristiques sont ainsi un peu différentes dans le DSM V pour aborder les critères de diagnostic. On soulignera à présent que la personne présente un trouble du spectre autistique et l’on spécifiera s’il y a présence ou non d’une déficience intellectuelle associée et s’il y a présence ou non d’un trouble du langage associé. On sait que certains individus présenteront l’un ou l’autre condition, mais pas dans tous les cas. On spécifiera, de plus, le niveau de soutien requis pour la personne, c’est-à-dire un soutien intensif, modéré ou léger.
Quels sont les aspects du langage affectés?
Il peut y avoir un trouble du langage associé qui ressemble à certains égards à la dysphasie. C’est un trouble du langage assez sévère qui va affecter la forme du langage comme la production des sons, la phonologie et la morphosyntaxe. Certaines personnes avec un TSA auront donc des difficultés importantes au niveau du langage quant à sa forme.
Toutes les personnes qui présentent un trouble du spectre de l’autisme auront des particularités au niveau de la sémantique du langage (attribuer un sens aux mots), bien que cela puisse être plutôt léger ou plus subtil pour certains. Ces particularités sont en lien direct avec le fonctionnement cognitif et le traitement de l’information. Par contre, on ne constatera pas dans tous les cas la présence d’un trouble du langage associé.
On explique ces particularités par un fonctionnement différent. Au niveau sémantique, lorsque le langage se développe, nous nous créons des prototypes différemment que les personnes avec TSA qui vont inclure beaucoup de détails et auront ainsi de la difficulté à créer de grands prototypes, de grandes catégories, comme nous le faisons. Ainsi, elles ne réussiront pas toujours à identifier ce qui est pertinent.
Ce qui est prédominant comme difficulté se trouve au niveau de l’aspect pragmatique du langage, soit la façon d’utiliser le langage, sa compréhension, la raison pour laquelle on communique. Cette difficulté complique l’adaptation à son interlocuteur et la gestion de la quantité et type d’information à communiquer au moment approprié.
La lecture d’indices tels que l’impatience ou le manque d’intérêt chez l’autre, nous aident à mieux communiquer, elle demeure par contre un frein important pour les personnes avec un TSA qui ne décodent pas de façon optimale ces indices-là. L’utilisation de la communication verbale et non verbale se voit donc de la sorte affectée. Aussi, ce déficit sur le plan de la communication et de l’interaction sociale est cliniquement significatif et persistant dans le temps.
La régulation émotionnelle
«Il existe des liens très clairs entre les capacités de régulation émotionnelle et les capacités de communication». Lorsque les personnes neurotypiques sont en état de régulation émotionnelle, elles sont en état de réguler ce qu’elles ressentent.
Sur le plan de la disponibilité physique, émotionnelle, sociale, et cognitive, un individu qui se trouve dans une zone confort est un individu disponible à l’interaction et aux apprentissages, il est apte à être un bon communicateur. Par ailleurs, dans une période de stress extrême ou en cas de dépression, les capacités de communication sont parmi les premières à être affectées par une perte de régulation émotionnelle.
Les difficultés de langage chez les personnes présentant un TSA, s’additionnant à une situation de perte de régulation émotionnelle, les mèneront à perdre leurs habiletés communicationnelles. «Bien régulés, nous sommes tous capables d’avoir une conversation, autrement, cela devient plus laborieux, et pour tous».
La bonne stratégie pour une régulation émotionnelle est d’être capable d’identifier ce que l’on vit, il faut pour cela bien maîtriser le langage. Nous retrouvons, chez nos TSA, une difficulté sémantique à associer des concepts plus abstraits comme des états émotifs. Pour ces raisons-là, identifier chez soi ce que l’on vit et être capable d’aller chercher du réconfort chez quelqu’un d’autre est plus difficile pour les personnes avec un trouble du spectre de l’autisme.
Le contact visuel
Il est important, car l’on se fie à la direction du regard pour savoir si la personne est intéressée par ce qu’on lui dit par exemple, ou pour se faire un peu une idée de ce qu’elle pense et de ce qu’elle veut. Le contact visuel est un signe de réciprocité, il nous met en contact, il nous met en lien avec l’autre.
Il y a souvent des particularités au niveau du contact visuel chez les personnes présentant un trouble du spectre de l’autisme. Cela peut se manifester par un regard fuyant ou de la difficulté à observer le visage de quelqu’un. Par contre, cet aspect n’est pas toujours touché.
Les aspects de la communication non verbale qui sont souvent touchés chez les personnes avec un TSA sont ceux du contact visuel irrégulier et d’une gestuelle inhabituelle. Certaines pourront maintenir le regard de façon trop prolongée ou même fixer du regard une partie du visage de l’autre, ce qui peut rendre inconfortable.
«Un visage peut présenter une source de stimuli difficiles à traiter, car au niveau des circuits neuronaux, cela demande plus d’activation pour les personnes avec un TSA». Dans ce sens, porter attention à un visage qui bouge constamment, un visage qui contient nombreuses informations à traiter en même temps, en plus de traiter l’information auditive quand il y en a, c’est beaucoup à la fois.
Au niveau social, il est important d’apprendre à mieux utiliser le contact visuel, mais il est question de ne pas négliger de considérer la demande importante au niveau du traitement de l’information, souligne Dre McIntyre. De plus, on veut expliciter de façon concrète à quoi cela sert de regarder le visage de l’autre, non en faire la demande sans qu’elle ne fasse sens, le comportement est ainsi associé à son utilité. Les particularités restent donc là pour certains, mais une adaptation est possible à réaliser.
Adolescence et communication sociale
Il y a plus d’exigences à l’adolescence qu’à l’enfance quand il en est de créer des liens, les interactions sociales sont très basées sur les habiletés de communication et sur des intérêts souvent subtils qui relèvent de goûts musicaux et vestimentaires, etc. «Les adolescents ont beaucoup de critères non dits au niveau de leurs intérêts».
Les relations dont les règles sont peu ou pas définies sont plus difficiles à gérer pour les personnes avec un TSA qui ont des difficultés à lire tous les signaux. «C’est bien plus confortable quand les rôles sont clairs, bien définis : parent, chauffeur d’autobus, etc.».
De plus, entre jeunes, il n’est pas évident de prendre l’initiative d’entamer une conversation de façon spontanée, de l’entretenir, ou même d’établir un programme d’activités pour socialiser.
Des stratégies efficaces
Pour faciliter la communication, bien connaître la personne est essentiel, car c’est bien connaître ce qui va lui permettre d’être disponible et ce qui va lui faire perdre sa régulation émotionnelle en situation problématique. Pour une communication sociale plus adaptée, certains éléments sont clés :
- Bien connaître les forces et les difficultés de chaque personne.
- Au niveau de la communication non verbale, il est important de chercher également à connaître les particularités de la personne.
- Éviter les idées préconçues (par exemple, il n’y a pas toujours des difficultés au niveau du contact visuel).
- Faire comprendre la fonction ou le sens du comportement qui est enseigné.
- Engager la personne dans des activités signifiantes et créer des relations significatives.
- Avoir une approche plus structurée pour certains, car il est parfois nécessaire d’aller plus dans le concret et faire très clair.
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