Malheureusement, en général, quand ils croisent une personne qui se parle à elle-même à haute voix dans la rue, ou qu’ils en voient une au bureau ou ailleurs, beaucoup de gens vont penser automatiquement à la folie, qui peut faire peur, vivre un sentiment d’incompréhension, et peut-être même ressentir du dégoût ou du mépris.
On secoue la tête, on rit avec étonnement, on détourne le regard car on trouve cela gênant. Il y en a même qui trouvent cela dérangeant et inapproprié. Mais au fond, se pose-t-on la question du pourquoi? Et du comment on en arrive à se faire à soi-même la conversation ou à juste évacuer au dehors ce qui se trame en dedans? Il y a plusieurs réponses possibles à ces questions.
La schizophrénie
Évidemment, il faut parler de schizophrénie même si ce n’est pas une maladie aussi répondue que l’on veuille bien le croire, la prévalence n’est pas si haute. Une personne qui vit avec des symptômes positifs de schizophrénie peut souffrir d’hallucinations visuelles et auditives.
Elle peut donc répondre à ce qu’elle voit ou entend que les autres personnes autour ne voient pas et n’entendent pas, et tant que les hallucinations sont présentes et qu’elle n’est pas consciente de leur nature intrusive dans son monde intérieur et extérieur, elle continuera à interagir avec ces sons et ces personnes comme nous le faisons tous avec les stimuli réels de notre environnement.
Ces visions et sons avec lesquels la personne schizophrène qui a des hallucinations interagit sont réels pour elle, c’est donc tout à fait normal qu’elle réagisse, qu’elle réponde.
La rumination
Dans un autre cas, la rumination peut finir par mener à s’exprimer de cette façon quant à ses démons du passé qui hantent le présent, qui accaparent et paralysent. Une personne qui vit avec le regret de ce qu’elle n’a pas fait pour mieux régler une situation, ou qui ne s’est pas défendu face à des injustices, qui a manqué des occasions ou qui a été blessée profondément, peut tellement ruminer et si longtemps, qu’elle finit par s’isoler dans une bulle des heures, voire des jours et des années.
En général, les personnes qui ont vécu du harcèlement moral au travail ou dans leur vie privée vont souffrir de rumination, elles analyseront sans cesse leur victimisation. La blessure de l’impuissance face à des situations étranges que l’on ne pouvait pas clairement identifier ou expliquer à l’entourage et à la justice pour se protéger est la cause d’une douleur effroyable.
L’analyse est souvent accompagnée d’émotions fortes, la tristesse, la colère, l’indignation, le désespoir. On revit en détail les évènements aussi bien anciens que plus récents et on en souffre grandement. On voudrait rattraper le temps, faire autrement, mais c’est impossible. On se dit avoir trouvé les solutions maintenant que c’est trop tard, que l’on a perdu l’occasion d’agir adéquatement.
La rumination chronique est un gouffre et pour en sortir on s’exprime aussi loin que possible, plus loin qu’à l’intérieur de soi, on expulse à l’extérieur son discours pour y voir plus clair, pour respirer, car on étouffe.
L’isolement et la marginalité
L’être humain réagit à l’isolement avec la communication. Aussi, les personnes isolées que l’on a oubliées à cause de leurs difficultés, qui se sont retrouvées en marge à un moment donné à cause d’un environnement malsain ou dysfonctionnel qu’elles ont fui peuvent finir par s’exprimer ainsi.
Les personnes que la maladie physique et/ou psychologique a fragilisées à un moment donné et qui n’ont pas eu la chance d’être aidées et sauvées de la malchance qui les a frappées grâce au soutien de proches, peuvent finir isolées.
Être isolé, incompris, mal vu à cause de sa vulnérabilité et sa pauvreté dans un monde capitaliste qui ne donne pas de répit, ça peut mener à un engrenage infernal, à la précarité de la rue, à une vie sur le bas côté, une vie aux possibilités injustement bloquées.
Se parler à soi-même devient une nécessité, car à qui parler? Par qui être aimé? Il y a au moins une voix que l’on entend, qui dit des choses qui sont importantes, une voix qui valide, sa propre voix.
Le processus de création
Parlons de créativité, c’est plutôt normal pour les penseurs et les artistes de parler à haute voix, pour extérioriser des idées, se dissocier et écouter ce que ça donne. Évacuer des pensées, c’est les faire exister autrement, c’est une façon d’analyser les choses différemment.
Avec toutes les pensées qui se bousculent dans notre esprit, les bruits ambiants qui s’ajoutent comme stimuli et parfois les paroles des autres qui interfèrent et ajoutent leurs impacts, se parler à soi-même à haute voix durant un processus de création est un outil puissant qui aide à donner forme concrète à ce qui se trame de façon abstraite.
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